« C'est une bohémienne, c'est une étrangère ! C'est une sorcière, c'est une païenne ! »


De la haine. Une haine qu'elle n'arrivait pas à comprendre, et encore moins à maitriser. Voilà le sentiment qui contrôlait les hommes qui la detestaient tant. Pauvre gitane, enfermée comme une vulgaire bête sauvage. Voilà ce qu'elle était. Assise à même le sol, jambes repliées, bras entourant ces derniers, la belle brune ne parvenait pas à comprendre le comportement de ces gens. Tous l'admiraient, et pourtant, tous la haissaient. Qu'avait - elle fait de mal ? Avait- elle ne serait ce qu'une seule fois commis un meurtre, un vol, ou une agression ? Rien de tout cela. En plus de vingt ans d'existence. Pourtant, ils ne lui faisaient pas confiance. Peut-être n'y parviendraient - ils jamais. Et elles ne pouvaient leur en vouloir. Ici, à Paris, les rumeurs et les préjugés étaient monnaie courante. Rien de plus normal lorsque les hommes de tête aimaient faire croire à la population que les gitans n'étaient que l'incarnation du diable. De l'incompréhension, de la peur. Voilà ce qu'ils ressentaient, et voilà ce qui les poussait à la hair. L'ombre des barreaux de sa prison rendit osbcure son si jolie minois. Une larme coula le long de celui-ci. Elle n'avait pas l'habitude de se laisser aller comme elle le faisait à présent. Mais elle était fatiguée. Fatiguée de se battre contre tout le monde, fatiguée d'être vue comme un vulgaire gibier de potence, bon à servir les moindres désirs humains des hommes qui ne voyaient en elle que les formes qui leur promettaient les plus belles nuits de leur existence. Qu'est ce qui rendait donc si méprisables ceux qui étaient différents ? Elle, les gitans, Quasimodo ... Lorsqu'elle repensait au bossu qui lui avait fait confiance, lui tendant la main comme jamais on ne l'avait fait auparavant, un fin sourire s'afficha sur son visage. Il était si doux, si gentil. Comment la foule avait - elle pu torturer ce pauvre malheureux, lors de la fête des fous ? Frollo avait au moins raison sur une chose. Le monde est cruel, le monde est méchant. Mais si il y avait bien une chose qui différenciait son avis de celui de Frollo, c'était une chose très importante : l'espoir.


« vous maltraitez ce pauvre garçon tout comme vous maltraitez mon peuple ! Vous prêchez la justice, mais vous êtes cruel envers ceux qui ont besoin de votre aide ! -Silence ! - Justice ! »


Comment un être si cruel a t-il pu élever un homme comme toi ? D'où provenait cette bonté, cette intelligence, cette grandeur d'âme, cette force d'esprit ? Elle n'en avait pas la moindre idée. Quasimodo était la preuve vivante que tout espoir était encore possible en ce bas monde : la pire des créatures avait élevé le plus adorable des anges. Et pourtant, il avait l'air si timide, si brisé. Esmeralda n'avait qu'une envie : le prendre sous son aile, le protéger des paroles de ceux qui voudraient le faire passer pour celui qu'il n'est pas. Il était temps que quelqu'un lui vienne en aide. Cela dit, rien n'est facile, et cela, Esmeralda l'a compris en remarquant le total pouvoir que Frollo exercait sur son soit-disant protégé. La plupart des habitants la considéraient comme étant une sorcière, une bohémienne de bas étage, une voleuse. Cela n'empêchait pas le fait qu'elle était totalement fière du fait de faire partie de son clan de gitans. Peu importe le jugement que leur reservaient les hommes influents. Esmeralda restait la même, et comptait bien rassembler le peu de pouvoir qu'elle avait pour défendre quasimodo et les bannis. Le pouvoir qu'elle avait n'était pas celui que l'on pouvait penser. Non, elle n'était pas le bras droit du diable, et non, elle ne réduisait pas les êtres vivants en tas de cendre. Son unique pouvoir était le courage. Mais vous pouvez ne pas la croire, c'est votre droit. Après tout, de nos jours, qui croirait une bohémienne ?


« Vous êtes si belle, et puis gentille, et douce et ... - et une gitane ?»


Le déluge. En vingt-quatre ans de vie, elle n'avait jamais vu cela. Elle connaissait pourtant les bagarres, les conflits, les courses-poursuites, et même les guerres. Mais jamais rien de tel. La foule était contrôlée par les gardes qui délimitaient les espaces, malgré le désordre, la protestation, et la peur. Une véritable tyrannie. Esmeralda avait toujours su garder sa fierté, en toutes circonstances, et encore plus lorsqu'elle se trouvait en face de personnes peu honnêtes qui cherchaient à la rabaisser ou à la nuire par tous les moyens. Mais face à Paris en flamme, aux pieds de la cathédrale, prête à être immolée par le feu, la gitane fut dominée par la peur. Elle seule devait mourir, et pourtant, tout portait à croire que Paris était en train de mourir avec elle. La foule révoltée se rendit compte qu'il était beaucoup trop tard pour chercher à s'opposer à Frollo, la belle gitane des quartiers de Paris allait en payer le prix fort. Etait ce vraiment la fin, pour elle ? La fin des chants, des danses, de la joie, des rires ? La fin de tout. Elle avait joué, elle avait perdu. Face aux yeux lubriques de Frollo qui s'avança vers elle, la demoiselle ne tarda pas à perdre son sang-froid, et lui jeta un regard noir, tout en essayant de se débattre. La corde qui la maintenait au poteau était si serré qu'elle sentait les jointures de ses mains si fragiles saignaient.L'heure est venue, bohémienne, tu te trouves sur le bord de l'abysse. Si tu le veux, il n'est pas encore trop tard. Je peux te sauver des flammes de ce monde, et de l'autre. Choisis : moi ... ou le feu. Dégoutée par la lubricité et l'incroyable cruauté dont cet homme faisait preuve, la belle gitane n'allait en aucun cas accepter son deal, bien au contraire. Aussi répugnant fut-il, Frollo était en position de force. Il voulait la brûler ? Très bien. Mais jamais il ne l'aurait. Jamais. Rassemblant sa salive au fond de sa gorge, elle lui cracha violemment à la figure, telle une sauvage possédée par un démon vengeur. Elle avait signé son arrêt de mort, et le regard que lui lança l'homme blessé dans son orgueil lui fit comprendre qu'il allait se délecter du spectacle et de sa souffrance. Tandis que la passion d'un pauvre fou s'évertuait à l'emmener en enfer, la belle sentit les flammes consummaient le bas de sa robe d'esclave. La fumée arrachait ses poumons, et le feu se delectait sournoisement de sa peur. Instinct de survie, la magnifique gitane tenta de respirer l'air frais, mais plus rien n'apparaissait dans son champ de vision, hormis les flammes qui la dévorait toute entière. Ce fut d'ailleurs son unique vision, après de longues minutes de souffrance et d'asphyxie. Voilà, vous connaissez le pire jour de sa vie. Le jour où elle a faillit brûler vive, sous les insultes de ceux qui la traitaient de sorcière à longueur de journée depuis son arrivée dans la capitale. Oui oui, je dis bien "failli". Car elle n'est pas morte. Sauvée par Quasimodo, le sauveur de cloche, Esmeralda avait finalement raison de penser qu'il y avait toujours un espoir. Et cet espoir, elle allait en avoir besoin par la suite : un sortilège extrêmement puissant la fit basculer dans un autre monde, loin des rues de Paris, et surtout, loin des gens qu'elle aimait. Clopin. Quasimodo. Phoebus. Ils demeuraient introuvables. Desespérée mais obstinée, la belle gitane n'a foi qu'en une chose à l'heure d'aujourd'hui : retrouver ceux pour qui elle donnerait sa vie.