Mon dieu, je vais finir par être claustrophobe si je reste dans ce logement. Je le trouve trop petit comparé au manoir Everglot. En effet, je me languissais de mes parents, de mon fiancé et du monde macabre dans lequel on vivait auparavant. Maintenant, tout est si vivace. Les gens sont certes gentils mais j’ai un mal fou à me faire des amis. A la place, je suis cantonnée à ce rôle de pâle ombre. J’évolue, je marche comme si j’étais un fantôme. Et je n’ai pas encore retrouvé Victor. Assise par terre, je regardai le capharnaum qui régnait chez moi avant de me demander si je devais le ranger ou non ? Je devrais être mariée à ce moment-ci. Vivre une vie de couple quasiment épanouie puisque notre mariage était arrangé. Je devrais m’appeler Madame Van Dort mais à la place, je suis toujours Victoria Everglot. Maintenant raccourcie en Vicky. Je bosse dans une bibliothécaire et mes loisirs ? Je fais de la danse classique. Souvent dans une école ou dans un coin reculé d’un parc. Je ne veux pas qu’on me surprenne. J’apprends quelque peu le violon bien que je ne sois pas douée, je fais toujours du piano bien que je n’en ai plus à ma portée. Le manoir Everglot me manque. Ainsi que sa maladresse, ses gros yeux apeurés quand il m’a vu. Je le cherche. Mais et s’il était resté dans le monde dans lequel nous vivions ? Et s’il n’était pas avec moi ? Ses questions qui me taraudent, qui ne cessent d’évoluer dans mon esprit. Je me lève alors, renversant la moitié de mes affaires au passage puis, je choppe mes chaussons. Je ne travaille pas aujourd’hui. C’est le weekend et la bibliothèque est fermée le dimanche. J’irai donc danser dans mon endroit habituel.

Le parc est quasi désert. Si on exclut les joggers – sportifs souvent de haut niveau – et les gens qui sortent se balader en famille. C’est parce que le temps n’est pas au beau fixe. Je me place à mon endroit habituel. De peur d’être vue, je me fais discrète avant de mettre mon iPod que je branchais sur une enceinte et de commencer mes exercices. Les salles sont couteuses dans ce monde et mes parents étaient pauvres dans l’autre. On dirait que ma pauvreté m’a suivie ici. Je commence à virevolter avec grâce. Je ne vois pas qu’on m’observe mais je m’en contrefiche. C’est comme si j’étais dans un monde à part. J’évolue, je m’envole quasiment. L’art de la danse est quelque chose de noble que je faisais bien avant. Je me fiche du regard des autres. Puis, je sens des gouttes. Au début, elles sont espacées ce n’est pas gênant. Je continue. Puis, la pluie s’intensifie jusqu’à devenir torrentielle. Nous sommes au mois de juin, il devrait faire beau. Je lève la tête. Mes cheveux collent mon visage. Je grogne. Je veux continuer mais l’herbe devient gadoue. Je change mes chaussons pour mes ballerines avant de partir en courant. Je ne vois pas que quelqu’un m’observait. Je le percute avant de finir à terre. « Oh je suis désolée, je ne vous avais pas vu. » J’en ai le souffle coupé. Je me relève pour croiser le regard de l’homme face à moi. « Vous n’avez rien de casser ça va ? » Doucement, je me remets sur mes deux jambes avant de lui tendre une main compatissante. « Au fait, je me présente, je m’appelle Vicky Everglot et vous êtes ? » Sourire, je suis timide, j’espère juste qu’il ne s’est pas fait mal.