Avoir trois sœurs issues d’un même œuf, c’est déjà une vie particulière… mais avoir un frère rebelle ! Alors là, je ne vous raconte pas la misère ! Scampynou je l’aime bien, franchement c’est mon frère et ensemble on est trop géniaux, mais si je l’appelle par ce sobriquet ridicule c’est bien pour une raison, pour lui montrer qu’il n’est pas le seul à pouvoir nous taquiner. Scamp il rêve de liberté, Clémence elle rêve de prendre tout le temps des bains, Constance elle rêve de jouer à la maman tous les jours et moi je rêve d’une vie pleine d’aventure, mais en restant au chaud à la maison. Nous sommes tous différents et pourtant, qu’est-ce qu’on s’amuse ! Maman et Papa sont les meilleurs parents du monde. Darling et Jim Chéri aussi ils sont géniaux, je les aime beaucoup ils prennent toujours soin de nous. Et puis bébé Jim est adorable aussi. Ah, j’ai la vie parfaite à la maison, pourquoi Scamp se plaint-il tout le temps ? Constance aime bien le regarder de haut et lever les yeux au ciel, alors aussitôt je l’imite, je fais toujours tout comme Constance, c’est la plus sage de nous trois, elle sait toujours mieux ce qu’il faut faire. Un jour Scamp s’est enfuit de la maison, je ne vous raconte pas l’horreur ! On a dû demander de l’aide à César, je l’aime beaucoup ce vieux chien, mais il radote tellement ! Comment est-ce que Clément fait pour l’écouter sans broncher ? Elle est douée ma soeurette que j’aime quand même. Et puis finalement Scamp est revenu, je n’ai jamais trop bien compris, il fait souvent des clins d’oeils à papa maintenant, mais tant mieux, la famille est au complet. Enfin il nous a ramené une fille. Ange qu’elle s’appelle. Je l’aime bien, mais elle est jolie, alors faut faire gaffe quoi… Franchement, la vie avait repris son court, tout était parfait, rien de pire ne pouvait nous arriver.




C’était ce que je croyais naïvement. Plus rien de pire ? Laissez-moi rire ! Personne n’a pu nous expliquer dans les détails ce qu’il s’était passé, une malédiction d’après les gens du refuge. Seulement ça ne nous avance pas beaucoup, parce que franchement quitter mon beau pelage roux, ma belle vie de chien de maison, entourée d’amour, tout quitter pour devenir humaine. Ah, la bonne blague ! Je me suis réveillée seule, au milieu de nulle part. C’est à cet instant précis que j’ai pris conscience que je ne pouvais pas vivre seule. J’ai d’abord hurlé puis j’ai pleuré. Jusqu’à ce qu’on me trouve car je ne pouvais pas bouger, j’étais tétanisée par la peur. C’est un homme qui m’a trouvé. Je ne le connaissais ni d’Eve ni d’Adam et pourtant je me suis jetée dans ses bras quand il m’a tendu la main. Il m’a emmené au lieu où vont tous les êtres perdus comme moi, il m’a lavé, habillée, réconfortée. Je ne savais pas ce que je faisais ici, alors il m’a expliqué. Cet homme, je lui dois la vie. Très vite, j’ai retrouvé Constance. C’était facile : nous étions toujours identique toutes les deux. Un jour quelqu’un m’a confondu avec elle. J’ai su que je ne serais plus jamais seule. Ensemble nous avons retrouvé Clémence… Et maintenant je suis avec elle, je ne les lâcherais jamais. Je n’ai pas été seule depuis que le jeune homme m’avait retrouvée, je me suis toujours arrangée pour être en présence d’un tiers et maintenant je ne lâche Clémence ou Constance d’une seule semelle. Je suis toujours avec elle. Seulement pendant la malédiction on a perdu maman et papa, on a perdu César et Jock, on a perdu Darling et Jim Chéri, même Bébé Jim est introuvable !, on a perdu Scamp et Ange. Oui, il n’y a plus personne avec nous et j’ai eu peur. Ma phobie de la solitude s’est alors accentuée, moi qui avais toujours été choyée, j’ai cru que j’étais abandonnée, oubliée, perdue. Sans Constance et son intelligence je n’aurai pas survécu. Les premières nuits après nos retrouvailles, on dormait toutes les trois dans le même lit, comme avant quand on dormait dans le même panier. Les gens nous ont dit que c’était des habitudes qui ne se faisaient pas chez les humains. Il y avait tellement de règles, tellement de choses à apprendre. La vie ici n’est pas facile, mais je crois que nous avons eu de la chance. Nous étions des gamines, nous avons pu entrer au lycée sans d’autres difficultés,  nous avons eu une chambre dans un foyer de jeune fille, mais surtout : nous étions trois. J’ai discuté avec d’autres élèves -avec l’habitude on voit bien ceux qui débarquent et ceux qui sont réellement humains- et bien nous avons de la chance de ne pas arriver seules. C’est étrange de voir combien certains ont été séparés quand d’autres ne le sont pas. Je mesure ma chance et je m’accroche encore plus à mes sœurs. Bon, après je mentirais en disant qu’il n’y a que des désavantages dans cette vie. J’ai découvert le sport et même si mes sœurettes aiment bien traînasser toute la journée, moi j’adore courir, me défouler, je suis une pile électrique quand je m’y mets. Et puis j’ai fait de rencontre, des amies que je n’aurai pas pu voir dans mon autre vie. Oui, j’aime cette nouvelle vie, mais j’ai encore tellement à découvrir. On m’a dit que maman était peut être là quelque part et j’aimerai tellement la retrouver…