∞ KEEP CALM AND FIT IN

Alfie & Marie

Comment reconstruire sa vie, seule et sans famille, quand on a jamais été qu'un chaton dépendant de sa mère et de sa maîtresse ? Arrivée à Fantasia Hill, j'ai tout de suite organisé mes tâches dans un petit carnet argenté qui ne me quittait plus depuis. D'abord, trouver une chambre au Méli Mélo House. J'attendais d'ailleurs qu'un colocataire se décide à prendre le second lit de ma chambre, mais ça ne m'étonnait pas que personne ne se propose. Qui voudrait vivre avec une pile électrique insomniaque obsédée par les paillettes et les sucreries ?

Je poussai la porte du Starbucks Coffee d'un air décidé. Je venais de passer une heure au moins dans Westwood Center Way à glaner, effrayée à l'idée de devoir me mettre au travail. Du coup, j'essayais de convaincre mon cerveau qu'il était absolument nécessaire que je visite chaque boutique pour m'assurer que ce n'était pas celle dans laquelle je rêvais de déposer mon CV pour un job étudiant. Parce que oui, se débrouiller seule signifie aussi trouver des sous pour payer mon loyer et mes dépenses en général.

La deuxième étape était de m'inscrire à la fac, et d'y aller enfin. Faire sa rentrée en deuxième année de licence n'est pas chose aisée et la McKinney University met une telle pression sur ses étudiants pour qu'ils soient exemplaires que... j'en avais la tête qui tournait dès mon arrivée. Plutôt du genre extrêmement studieuse et timide, j'avais du mal à m'intégrer mais je ne m'ennuyais pas pour autant. En revanche, je passais énormément de temps à faire mes devoirs le soir, ou plutôt à me décider de les faire.

Afin de fuir l'environnement de procrastination de ma chambre au Méli Mélo House, j'avais décidé de faire mes devoirs le plus souvent possible à l'extérieur et le Starbucks Coffee était devenu une option récurrente. C'était même la troisième fois cette semaine que je poussais la lourde porte du café et que je m'installais à cette même place. Je savais pertinemment que nous étions vendredi et que j'avais tout le week-end pour faire mes devoirs mais j'avais décidé de prendre de l'avance. Mon cerveau en revanche savait pertinemment qu'il n'était pas pressé et j'avais donc du mal à m'y mettre.

Après avoir commandé un Frappuccino à la fraise, je m'assis enfin à une table pour deux et sortis mon carnet argenté. Next step : m'intégrer enfin dans ce nouvel environnement. Je soupirai en rangeant le carnet. Faire mes devoirs était bien plus simple. Le Starbucks était bondé, ce qui n'était pas étonnant, mais ma table - quasiment réservée à mon nom - était libre. Autour de moi, toutes les tables étaient occupées par des jeunes en uniformes, en tenues de sport ou des couples absorbés par leur moitié. Je me sentais terriblement à part, mais décidée à faire ma place... après cet exercice de maths.

Ça faisait quelques mois que tu faisais parti de cette nouvelle vie, et c'était une toute nouvelle expérience. Tu étais tombé sur Kocoum à ton arrivé, alors que tu n'arrivais même pas à te mettre debout sur tes deux jambes et que tu étais dans la rue, complètement paumé. T'avais eu de la chance il faut croire, tu étais tombé sur la bonne personne, parce que grâce à lui tu avais un endroit où dormir, un toit, alors que tu n'aurais même pas su comment faire et chercher. Tu vivais maintenant dans une chambre au Méli-Mélo House et tu avais même une colocataire blonde au fort caractère pour te tenir compagnie. Le plus dur pour toi était encore de parler, de faire des phrases, de lire, mais tu t'améliorais de plus en plus. Tu n'avais pas vraiment le choix, si tu voulais réussir par t'intégrer, il te fallait pour ça d'arriver à parler, à te faire comprendre des autres. C'était difficile, mais tu t'obligeais donc à sortir, n'importe où, afin d'avoir des conversations, rien que la plus petite, avec des vendeurs. Tu n'étais pas timide alors aller voir les autres ne te posait pas de problèmes. Aujourd'hui, c'était au Starbucks Coffee que tu avais décidé d'aller t'entraîner. Et puis, vraiment, c'était juste parce que t'avais très envie de boire l'une de leurs merveilles.

Tu entrais dans le café, et tu fronçais déjà les sourcils en remarquant le monde qu'il y avait. Ce n'était pas vraiment le nombre important de gens tous entassés dans une seule et même pièce qui te dérangeait. Ça non, tu avais vécu toute ta vie entouré de l'immense quantité de frères que tu avais, que finalement, le fait de te retrouver parmi une horde de différentes personnes, ce n'était pas si mal. Le brouhaha constant, la chaleur humaine, ça te rendait un petit peu nostalgique de te rendre dans des places bondées. Ce qui était moins à ton goût par contre, c'était que plus il y avait de gens, moins il y avait de places disponibles, et ça ne faisait pas d'exception dans ce genre de café. Tu faisais tout de même la queue, commandant un Caramel Macchiato histoire d'avoir ton quota de caféine de la journée, et tu laissais ton regard balayer l'endroit, essayant de trouver une place de libre parmi l'océan d'humains. Ton regard s'arrêta sur une table occupée par une jolie brune, qui devait être plus jeune que toi de quelques années. Tu l'observais quelques secondes, et elle n'avait pas l'air très méchante vu comme ça. Tu ne prenais pas vraiment le temps de réfléchir après ce constat : tu marchais vers elle – et vraiment, elle avait peut-être l'une des tables les moins bondées, étant seule – et tu t'asseyais à ses côtés, posant ton café sur la table. Tu attendais qu'elle lève les yeux sur toi pour lui faire un grand sourire amical. « Belo ! » Tu t'exclamais, étant la manière minion de dire bonjour. Tu fronçais à nouveau tes sourcils lorsque tes yeux fixèrent le cahier sur lequel elle semblait griffonner quelque secondes auparavant, et tel un sans-gène tu essayais de lire, faisant une moue frustrée quand tu n'y comprenais rien. Qu'est-ce que c'était, du chinois ? « Naze. » Tu lâchais, et c'était déjà assez dur pour toi de comprendre comment parler, que tu n'étais pas encore tout à fait prêt à être un pro des mathématiques. Qui à eu la merveilleuse invention de mélanger nombres et lettres de l'alphabet, sérieusement ?

Spoiler:

∞ KEEP CALM AND FIT IN

Alfie & Marie

De l'algèbre linéaire, sérieusement ? Je n'en pouvais plus de ces définitions à rallonge qu'il fallait traduire avant de comprendre. "Tout vecteur de la somme des sous-espaces se décompose en la somme de vecteurs dont chacun est dans l'un des sous-espace." Voilà qui semble parfaitement clair, n'est-ce pas ? Incapable de visualiser ces mots, je me saisi de mon fidèle critérium et d'un nouveau carnet de brouillon. Patiemment, je dessinais une suite de petits cercles. Voilà mes vecteurs. Je les entourai tous. Voici ma somme de sous-espaces. Au-dessus, je traçai une accolade qui réunissait cinq cercles. Ceci sera mon vecteur de la somme. Effectivement, il est bien composé de vecteurs et chacun peut bien être dans l'un des sous-espaces. Là, c'est limpide !

Ravie du résultat, je m'autorisai à lever les yeux de mon carnet, pour tomber sur le visage frustré d'un jeune homme un peu plus âgé que moi. Naze, affirma-t-il. D'abord dubitative, je finis par reprendre mes esprits et par sourire à l'inconnu. J’acquiesçai :

- Oui, on est bien d'accord ! Je refermai mon carnet et rangeai mon critérium dans ma trousse étroite en cuir noir. Mais je n'ai pas vraiment le choix, il faut que j'étudie. Même si c'est du chinois pour moi.

Je souris à nouveau puis soupirai ; mon cerveau semblait aux anges, d'avoir une bonne excuse pour cesser tout effort. Moi qui ne parlait jamais à personne, il fallait bien que je saisisse l'occasion de discuter un peu avec des gens de mon âge, que je sorte de ma bulle. Non ? Est-ce que j'étais entrain de me chercher de mauvaises excuses ?

- Bon, qui es-tu ? J'espère que tu as une bonne raison de me déranger dans mon travail, riai-je.

Ça avait l'air bien compliqué ce qu'elle faisait. Ce n'était pas que tu étais débile – quoi que facilement distrait lorsqu'on te confiait une tâche – mais ces lettres qui ne formaient pas des mots, ces chiffres qui se trouaient mélangés parmi eux, et ces points d'interrogations qu'il fallait changer en véritable résultats, ça ne te disait rien qui vaille. Tu ne saurais même pas par où commencer pour répondre à tout cela. « Oui, on est bien d'accord ! » Disait-elle après avoir entendu ton commentaire, et elle fermait son carnet et rageait son crayon, comme ayant fini de potasser ses mathématiques maintenant que quelqu'un prenait le temps de lui parler. Tu hochais ta tête, le visage marqué par une expression des plus sérieuses, parce qu'au moins elle était du même avis que toi, et que tu n'étais pas tombé sur quelqu'un dont les maths était la plus grande passion. « Mais je n'ai pas vraiment le choix, faut que j'étudie. Même si c'est du chinois pour moi. » Elle souriait gentillement, et tu ne pouvais que lui rendre celui-ci. « Mais c'est tellement plus drôle de s'amuser ... » Tu disais, une petite moue boudeuse sur le visage. Et pourtant, toi aussi tu travaillais Tu avais trouvé deux jobs de vendeurs, de fruits et légumes et de glaces, mais tu imaginais que c'était bien plus intéressant et drôle de faire cela que d'avoir toujours le nez dans les cahiers de cours. « Bon, qui es-tu ? J'espère que tu as une bonne raison de me déranger dans mon travail. » Te disait-elle en riant, et avais-tu vraiment une bonne raison pour l'embêter ? Non, pas vraiment. Pas du tout à vrai dire. Tu t'étais juste retrouvé seul, et t'avais eu du mal à poser tes yeux sur une table qui n'était pas pleine à craquer. Sur, tu aurais pu seulement t'asseoir à ses côtés, et boire ta commande tranquillement, sans lui parler, sans te faire voir. Tu aurais pu rester silencieux. Mais tu étais Alfie, minion dans l'âme, et tu aimais parler avec les autres, le contact humain, et faire de nouvelles rencontres. Tu n'avais pas le choix si tu voulais te sentir bien dans cette nouvelle ville, maintenant que tes frères se trouvaient tu-ne-savais-où, surement loin de toi. Il fallait que tu te fasses d'autres connaissances, d'autres amis. « Je m'appelle Alfie moi. » Tu disais en la regardant, tournant doucement ta tête sur le côté. « Et toi ? » Tu mordillais légèrement ta lèvre inférieure, avant d'hausser tes épaules, laissant un grand sourire content fendre ton visage enfantin. « Aucune bonne raison, ce travail avait juste l'air papuchement naze. On peut dire que je t'ai sauvé …? » Tu relevais l'un de tes sourcils, une once d'espérance dans ton regard. Tu espérais vraiment qu'elle ne soit pas finalement fâchée que tu l'es interrompu, et franchement, parler avec toi n'est-il pas bien mieux que de répondre à des questions incompréhensibles ?

∞ KEEP CALM AND FIT IN

Alfie & Marie

Bien contente de m'être trouvé une excuse pour ne pas travailler, je tournais entre mes doigts une mèche de mes cheveux, rêveuse. Ce garçon aurait pu aller s'amuser avec beaucoup d'autres personnes, vu la densité de population du Starbuck's à cette heure. J'appréciais qu'il ait préféré venir me parler à moi, d'autant qu'il avait l'air de comprendre que les maths n'étaient vraiment pas mon fort et que je m'ennuyais à mourir avant qu'il n'arrive.

- Moi je m'appelle Marie, et je préfère aussi m'amuser à travailler.

Je souris. Existait-il réellement des gens qui préféraient étudier à discuter ? Je savais que j'étais entrain de prendre du retard et bientôt cette pensée m'angoisserait mais pour l'heure j'étais ravie de n'être plus seule. Ce garçon était physiquement plutôt plaisant à regarder et je devinais qu'il avait plus ou moins mon âge. En tout cas, il ne me voulait aucun mal et cherchait certainement un peu de compagnie. Sa façon de parler me faisait rire, et une expression m’intrigua.

- Papuche...

Depuis mon arrivée à Fantasia Hill, j'avais passé un temps fou à rechercher des informations sur ce qui m'était arrivé. À la librairie, j'avais trouvé des dizaines d'ouvrages qui parlaient de contes. L'un d'entre eux racontait mon histoire. Du coup, j'en avais lu la plupart et notamment, une de ces histoires me revint à l'esprit en entendant ce mot.

- Dis-moi... Sans vouloir t'offenser, tu n'aurais pas été petit et jaune dans une autre vie ?

Je savais pertinemment que dans ce monde, nous n'étions pas seuls. Si nous avions tous été des personnages de contes humanisés, nous n'aurions pas besoin de cacher notre véritable personnalité et nous pourrions même nous unir pour trouver un moyen de rentrer chez nous. Mais dans ce monde, il y avait aussi des humains. J'espérais que ma question n'était pas trop directe et que, si Alfie était véritablement humain, il ne me prendrait pas pour une dingue. Au pire, je tournerais ça à la plaisanterie.

- Mais sinon oui, effectivement, tu es mon sauveur ! D'ailleurs j'ai une parfaite idée de récompense à te proposer...

Je connaissais tous les contes que j'avais lus par coeur. Merci au ciel de m'avoir accordé ce don de mémoire extraordinaire, sinon j'aurais encore plus de mal en cours d'histoire de l'art. Je pris mon sac et en sorti mon goûter : une banane. Finalement je n'avais pas si faim, et la réaction d'Alfie me permettrait sûrement de voir si je ne m'étais pas trompée sur son identité. Je la lui tendis en remerciement pour sa compagnie.

« Moi je m'appelle Marie, et je préfère aussi m'amuser à travailler. » Elle te répondait, et tu lui rendais son sourire. Travailler n'était jamais drôle, même si à y penser de plus près, tu avais travaillé toute ta vie. Tu avais été créé pour travailler, quand on réfléchissait réellement. Vous étiez des sbires du mal, des voleurs sans aucune morale, c'était juste votre boulot. Gru vous employez, et vous viviez tous ensemble dans son sous-sol, à jouer aux jeux vidéos et à manger des glaces quand vous n'aviez pas à voler la lune. Tu en profitais maintenant ici. Tu travaillais certes encore pour avoir de l'argent, mais t'aimais bien ça. C'était tranquille vendre des fruits et légumes, et vendre des glaces. Surtout ce second boulot, tu avais la chance d'être assez seul, de passer ton temps à chanter du high school musical, et de rencontrer pleins d'enfants tout mignons. La belle vie. « Dis-moi... Sans vouloir t'offenser, tu n'aurais pas été petite et jaunes dans une autre vie ? » Elle te prenait de court en disant cela, et tu la fixais un peu sans bouger, légèrement méfiant. T'avais appris qu'il ne fallait pas forcément dire à tout le monde qui on était avant, car certains ne pouvaient pas comprendre, ne pouvaient pas y croire. D'autre, pouvaient peut-être aimer savoir, afin d'après te faire du mal. T'essayais vraiment d'être moins naïf, et parfois, tu pouvais en devenir presque trop méfiant. Comment cela pouvait-il en être autrement, quand elle devinait quelque chose comme ça alors qu'elle venait à peine de te rencontrer ? Avec ton propre frère, il vous avez fallu plusieurs sorties afin de comprendre. « N-Non ! Pas du tout ! Je sais que je suis petit mais c'est pas la peine de m'insulter. » Tu disais, les sourcils froncés braqués sur elle, tes bras se croisant autour de ton torse. C'était vrai, t'étais pas le plus fort pour mentir, ou pour te défendre. A vrai dire, à part dire des « gros naze », tu ne savais pas forcément comment insulter les gens. T'espérais juste de cette manière la détournée de ton espèce de secret, mais t'étais pas certain que ça allait marcher. « Mais sinon oui, effectivement, tu es mon sauveur ! D'ailleurs j'ai une parfaite idée de récompense à te proposer... » Tu clignais des yeux, de suite beaucoup plus intéressé par ce qu'elle venait de dire. Récompense ? T'aimais les récompense toi, quel qu'elles soient. Dès qu'on te donnait un petit cadeau, un câlin, ça te faisait littéralement ta journée, t'adorais ça. Peut-être était-là le simple fait d'être aimé par des gens qui te rendaient comme ça, tu ne savais pas vraiment. Tu avais longtemps vécu sans aucune sorte d'amour, car même Gru ne se comportait pas comme un père pour vous. Tu la regardais sortir quelque chose de son sac, et Ô gloire ! Voilà qu'elle tenait entre ses doigts une belle banane jaune, et qu'elle te la tendait. Ni une ni deux, tu te jetais dessus, l'ouvrant déjà au bout pour enlever le début de la peau. Tu croquais un bon morceau dans le fruit – et qu'est-ce que c'était délicieux en bouche. Tu continuais de manger avec envie, avant de croiser tes yeux aux siens, et tu te serais senti coupable, si tu ne mangeais pas une banane. « Merchi. » Tu réussissais à dire alors que tu mâchais en même temps, un grand sourire sur ton visage.