Posé dans ton fauteuil de psychologue, tu étais en face de ton second patient de la journée. C'était un homme qui trompait sa femme, mais refusait de le lui avouer, car il l'aimait toujours et surtout - parce qu'il y a toujours un surtout - , parce qu'il avait deux enfants. Il ne voulait pas briser sa famille, mais il ne pouvait s'empêcher d'aller voir ailleurs. Des hommes comme lui, t'avais tout simplement envie de leur dire qu'ils ne méritaient pas leurs femmes. Toi, t'avais toujours été fidèle. Si l'envie d'aller voir ailleurs te prenait, tu mettais un terme à la relation entamée. C'était que ce n'était pas la bonne tout simplement. Bien sûr, en tant que psy, tu devais essayer de comprendre ton patient et de lui donner des conseils. Ton téléphone sonna une fois, mais tu ne répondis pas par respect pour le patient. Lorsqu'il sonna une seconde fois, tu décrochas en t'excusant auprès de ce dernier. Bordel. Lucy...


Aslan ▬ Excusez-moi, monsieur, mais une amie proche vient d'être emmenée à l'hôpital et il me demande là-bas. On remet cette séance à demain, si ça vous va.


Le patient ne semblait pas très content, mais il comprenait tout de même la situation. A peine fut-il dehors que tu fermas ton cabinet et sauta dans ton bolide en direction de l'hôpital. Tu roulais vite, bien trop vite. Tu fus rapidement sur place. Tu te mis à arpenter les couloirs de l'établissement jusqu'à l'accueil. La secrétaire te dévisagea dans ton costard avec ta cravate légèrement desserrée. Tu lui affichas un bref sourire poli et elle t'indiqua que Lucy se trouvait dans une des salles actuellement. Tu te dirigeas vers celle-ci et au moment d'ouvrir la porte, quelqu'un te percuta. C'était elle, bien sûr... Comme si tout était écrit d'avance.


Aslan ▬ Lucy... Ca va, je ne t'ai pas fais mal? J'étais tellement paniqué quand j'ai reçu ce coup de fil que j'ai rappliqué ici illico.


Tu étais incapable de l'engueuler après tout. Oui, chaque matin tu la regardais partir avec la peur au ventre faire ce métier dangereux que tu détestais plus que tout. Oui, chaque soir, t'avais peur qu'elle ne rentre pas à la maison. Tu repoussas un mèche de ses cheveux et tes yeux se fixèrent dans les siens.


Aslan ▬ Ca te va bien cette coupe. Les médecins t'ont dis de partir?


Protecteur, attentif, attentionné.

A Narnia, tout semblait plus facile. Tu étais un lion. Tu ne comprenais pas toutes les émotions humaines, même si tu n'étais pas un lion normal. Tu n'avais pas tous ces doutes et toutes ces peurs. Tu étais quelqu'un de bien plus fort. En arrivant ici, à Fantasia, dans ce corps d'homme, des émotions étranges t'avaient traversées. Au point que des fois, ton seul souhait était de redevenir un lion. Redevenir Aslan. Celui pour qui Lucy n'était qu'un confident et un ami et non plus. T'avais été stupide de croire qu'entre vous, il pourrait y avoir plus. Elle était jeune, bien plus jeune que toi.

Tu ne relevas pas sa remarque, mais tu voyais bien qu'elle faisait tout pour te dégouter d'elle. Lorsqu'elle énonça Caspian, une légère pointe de jalousie se logea dans le bas de ton ventre et tu te mordis légèrement la lèvre inférieure. Tu appréciais Caspian, mais tu ne voulais pas qu'il te prenne Lucy, bien que lui ne la voyait pas comme une potentiel petite amie ou autre. Tu te contentas de baisser les yeux, visiblement blessé. Lorsqu'elle affirma qu'elle ne voulait pas que tu l'engueules, tu la rassuras à ta manière.


Aslan ▬ Je ne suis ni ton père, ni ton frère Lucy. Ce n'est pas à moi à te faire la morale, tu sais.


Tu lui affichas un faible sourire tout en fuyant son regard des yeux. Elle n'avait donc rien compris? Tu n'étais pas son psychologue, tu étais son ami et même si tu aspirais à plus avec elle, tu n'avais jamais pris la décision de franchir cette limite. Après tout, tu n'étais même pas vraiment sûr que les sentiments de Lucy envers toi étaient réels ou non. Tu avais bien remarqué parfois que tu la troublais dans certaines situations, mais tu n'avais sans doute pas assez de preuves. Lorsqu'elle t'annonça son futur déménagement, ton estomac se retourna. Ce n'était pas possible. Tu t'installas à côté d'elle sur le lit, incapable de dire quoi que ce soit.

Que voulait-elle que tu lui dise? Que tu deviendrais fou si elle partait? Que tu allais te noyer dans l'alcool pour calmer ta douleur? Que tu deviendrais un homme comme les autres et que tu finirais par l'oublier? Que tu étais heureux qu'elle parte? Voulait-elle entendre la vérité ou un mensonge? Tu n'en savais rien. Tu te ressaisis et pris doucement son menton dans ta main droite, la forçant à tourner la tête vers toi et à te fixer dans les yeux.


Aslan ▬ Il y a bien longtemps que je ne te vois plus comme une enfant, mais tu es bien trop bornée pour le voir.


Ton regard était plongé dans le sien. Tu aurais pu effacer le reste de distance qu'il y avait entre ta bouche et la sienne, mais tu ne le fis pas. Tu étais trop incertain pour cela.

Son ton froid te fit baisser les yeux comme le lâche que tu étais. Bon sang, le roi que tu étais dans ta vie d'avant avait bel et bien disparu. C'était navrant d'ailleurs. Le Aslan, ce roi combattant, avait laissé place à toi, à Portgas, un lâche sans fin incapable d'assumer ses sentiments.


Aslan ▬ Lucy...


Tu prononças simplement son prénom, peiné. Tu ne savais que dire. Elle allait partir. On allait de la retirer, comme la fois où elle était partie de Narnia. Tu savais que tu allais la perdre, et que ça te briserait le cœur. Tu la verrais vivre sa petite histoire d'amour heureuse, sans doute avec Caspian. Tu serais jaloux, mais tu te noierais dans l'alcool pour oublier. Après tout, c'est ce que tu savais le mieux faire non? Pour un psy, tu n'étais pas quelqu'un de fort. Tu étais tout le contraire.

Tu n'osas même pas la regarder dans les yeux. Elle te faisait la morale, c'était fou tout de même. La petite Lucy était plus adulte que toi et toi... Assis là, t'étais incapable de lui dire quoi que ce soit. Et tu sentis ses mains venir se poser derrière ta nuque et enfin tu levas les yeux vers elle. Son regard trahissait sa haine et pourtant ses lèvres vinrent se poser sur les tiennes. Tu fus sans doute surpris que ce soit elle qui prenne les devants. Tu en avais rêver, de cette scène, mais tu n'avais jamais imaginé que c'était elle qui le ferait en premier. Lorsqu'elle s'en alla après t'avoir expliqué la raison pour laquelle elle voulait s'éloigner, tu l'appelas par son prénom. Tu mis quelques secondes avant de te lever pour la suivre et tu te mis à courir.

Tu la rattrapas au bon moment. Tu haussas les sourcils en voyant la cigarette, mais tu ne dis rien. Tu la portas telle une princesse et la ramena dans sa chambre. Tu lui caressas les cheveux et posa un baiser sur son front.


Aslan ▬ Lucy, ma Lucy. Je t'aime. Mais je suis incapable de te le dire. S'il faut que je te laisse partir, alors je le ferai. Je ne peux pas m'immiscer dans ta vie.


Tu ignorais si elle t'entendait, mais une infirmière rentra dans la pièce après avoir vu la scène et tu lui laissas ta place. Tu t'installas sur le fauteuil et jeta un coup d'œil par l'unique fenêtre.

Tu étais devenu lâche Aslan et tu le savais. Tu savais aussi qu'en sortant de cet hôpital, tu filerais en douce pour aller noyer ta peine dans l'alcool. Tu le savais pertinemment étant donné que tu ressentais le besoin d'oublier. Cette sensation t'étais si familière que tu savais que quelques verres te permettrait de te sentir mieux l'espace d'une soirée. Les souvenirs reviendraient le lendemain, et tu recommencerais. C'était un cercle vicieux, tu en avais conscience, mais tu étais incapable de t'arrêter.

En regardant par la fenêtre, tu essayais de te remettre les idées au clair. Tu ne préférais pas regarder l'infirmière s'activer autour de Lucy. La voir dans cet état te rendait malade. L'infirmière finit par partir une fois Lucy réveillée. Tu n'osais pourtant pas affronter son regard. Cependant, lorsque tu compris qu'elle t'avais entendu, ton regard se posa enfin sur elle, comme triste. Des infirmières débarquèrent en masse en entendant Lucy débloqué complètement. Si nombreuses que tu te levas et les regarde sombrement.


Aslan ▬ Lâchez là et allez vous en.


Ta voix avait été froid et ne laissait aucun doute sur la suite. Elles partirent une par une, résignée à les laisser régler vos problèmes, ici et maintenant. Ton regard vrilla dans celui de la jeune adolescente et une fois de plus, ton cœur manqua un battement. Elle voulait que tu t'en ailles.


Aslan ▬ Si c'est ce que tu veux, je m'en irai. Je ferai en sorte de ne plus faire partie de ta vie. Je suis faible, Lucy, je ne veux pas te voir briser à cause de moi, mais...


Ton hésitation était palpable et tu détournas le regard. Tu te remis à regarder par la fenêtre, comme absent.


Aslan ▬ Je ne sais pas si je pourrai te rendre heureux; je le veux sincèrement. Je t'aime Lucy, et je ne l'ai jamais dis à aucune femme. Mais j'ai peur qu'on te juge sur notre différence d'âge, j'ai peur de tellement de choses...


Dans un élan de sincérité, tu lui ouvrais les portes sur un futur à deux. Le seul problème était tes craintes, mais Lucy pouvait-elle les apaiser? Allait elle le faire ou te rembarrer?

Toi, Aslan le sage, Aslan le roi de Narnia, tu avais peur. Dans ta vie de lion, tu ne connaissais pas la peur. La peur rendait faible et tu le savais plus que quiconque. Un leader ne pouvait pas se permettre d'avoir peur. Mais ici, face à Lucy et ses yeux doux, tu sentais ton cœur battre bien trop vite, bien trop fort. Tu avais envie de fuir, de prendre tes jambes à ton cou parce que tu ne connaissais pas cette sensation étrange qui naissait au fond de toi. Cette peur qui te tiraillait sans relâche. Se rendait-elle compte de cela? Toi, qui n'avais jamais eu peur, tu étais terrorisé face à une adolescente dont tu étais tout simplement tombé amoureux...

Elle fut ton reflet. La peur se lisait dans ses yeux et sa main vint se loger dans la tienne. Tu te mordillas légèrement la lèvre, comme pour essayer de te calmer et de te contrôler. Elle fut plus adulte que toi, te rassurant, te promettant que tout irait bien, qu'elle t'aimait et surtout qu'il fallait lui donner sa chance. Tu fermas doucement les yeux et posa un délicat baiser sur son front. Ton regard se plongea une fraction de seconde dans le sien, puis tu l'attiras doucement vers toi en la prenant dans tes bras.


Aslan ▬ Je... Je veux bien nous laisser une chance. Mais si un jour je te fais du mal, Lucy, je m'en voudrais toute ma vie et je m'en irai. C'est la solution la plus lâche, je le sais, mais je ne supporterai pas te voir souffrir et pleurer à cause de moi.


L'avoir contre toi comme cela, la savoir tienne, te réconfortait au plus haut point. Pourtant, au plus profond de toi, tu avais toujours aussi peur. Peur du regard des autres. Tu n'avais jamais eu peur de cela avant, mais maintenant que tu étais avec Lucy, une fille bien plus jeune que toi, tu te demandais sans cesse ce que les gens allaient penser.


Aslan ▬ Dis moi juste que tu ne vas pas aller chez Caspian.


Tu sentais déjà la jalousie te titiller et tu avais peur de déjà la perdre en l'envoyant dans la fosse aux lions. Comble de l'ironie vu que dans l'histoire, c'était toi le lion.

Et voilà. Les dés étaient jetés. Il ne restait plus que de voir ce que l'avenir vous réservait. Tu te doutais que votre relation ressemblerait à des montagnes russes et la peur te rongerais jour et nuit, mais si c'était le prix à payer pour être à ses côtés, tu n'hésiterais pas une seule seconde. Tu ne pouvais pas hésiter. Tu ne pouvais pas lutter. Pas quand ton cœur te criait pleinement que tu l'aimais et que tu avais besoin d'elle. Tu étais tout simplement dépendant d'elle malgré le fait qu'elle soit plus jeune. Elle ignorait encore quelques facettes de ta vie, ton problème avec l'alcool surtout, mais tu étais sûr qu'elle pourrait te guérir en quelque sorte.

Jalousie. Tu ne pouvais pas le nier. Oui, tu étais jaloux de ce Caspian bien que vous soyez amis à la base. Oui, tu ne voulais pas qu'elle aille vivre chez lui, mais c'était normal non? Tu avais toujours soupçonné Lucy d'aimer Caspian à Narnia. La donne avait changé dans ce monde ci, t'incluant dans le tableau, mais tu avais peur de la perdre et qu'elle finisse dans ses bras. Tu fus rassuré lorsqu'elle prononça le nom de Trevor.


Aslan ▬ Jaloux? Moi? Tu te fais des idées. Bien... Et... Tu vas reprendre toutes tes affaires?


Ta voix avait légèrement tremblé. Tu avais toujours vécu avec elle, et tu n'imaginais pas te retrouver complètement seul avec une maison vide. Tu baissas les yeux au sol pour cacher ton malaise. Tu rougis un peu plus lorsqu'elle te parla du fait que tu la matais.


Aslan ▬ Fais genre. Ose dire que tu ne m'as jamais mater quand je me baladais en boxer ou en serviette de bain.


Tu lui tiras légèrement la langue comme un adolescent.

Ta technique avait fonctionnée. Elle n'insista pas pour savoir si tu l'observais en sous vêtements. A vrai dire, au début que vous habitiez ensemble, tu ne la regardais pas. Tu détournais même le regard. Plus le temps avançait et plus tes sentiments prenaient le dessus, plus tu avais fini par l'observer en douce et tu te détestais pour ça. Tu faisais limite vieux pervers non?


Aslan ▬ Celui là, tu pourrais le garder. Je parlais de tes vêtements, maligne.


Elle te faisait rire pourtant et cette peluche... Quelle horreur. C'était bien l'une des seules choses dont tu voulais te débarrasser de Lucy, mais tu savais que si tu le faisais, elle t'en voudrais. Et puis, il était hors de question pour toi de toucher à cette chose immonde qui puait par dessus le marché.


Aslan ▬ C'est sûr que les autres filles n'auraient pas hésités, alors ça ne m'étonne pas de toi.


Nouveau rire. Tu t'approchas doucement d'elle lorsque tu entendis ton bipper s'activer. Merde! Le cabinet... Tu avais filé en fermant tout, mais tu n'avais pas annulé tes rendez vous.


Aslan ▬ Je dois filer, le travail m'appelle. Tu manges quand même avec moi demain soir? Enfin, t'as pas le choix, c'est moi qui cuisine.


Tu pouvais être fier d'être un de ces hommes qui adoraient cuisiner. Tu vins lui déposer un baiser chaste sur les lèvres, et un sur le front avant de prendre tes jambes à ton cou pour filer au boulot. Tu lui murmuras un je t'aime avant de franchir la porte. Bon sang! T'allais te faire passer pour quoi auprès de tes clients?