Beaucoup de choses avaient changé depuis la fin de ce premier semestre à Fantasia Hill. D'abord, j'avais changé de filière, puisque la fac ne m'allait finalement pas du tout. J'avais décidé d'arrêter les études théoriques pour me consacrer à ce que j'aimais : le design graphique. Quand on change de ville, il faut un certain temps d'adaptation. Alors quand on change de vie... J'avais eu beaucoup de mal à comprendre le système éducatif. C'était tellement plu simple quand maman s'occupait de faire de mes frères et moi les gentlemen et la lady que notre milieu réclamait. Ici en revanche, il fallait avoir de véritables capacités, afin d'en faire un métier. J'avais d'abord choisi d'étudier pour occuper mes journées, mais le peu que j'ai pu apprendre en licence d'arts appliqués m'avait mené vers un BTS en design graphique, que je suivais à distance, depuis l'appartement de Thomas. Il ne me manquait plus qu'à trouver un stage en agence de communication pour clore le second semestre. J'avais réussi à rattraper le premier, grâce à une efficacité de travail hors norme et une motivation à toute épreuve.

La quantité incroyable d'informations que je pouvais traiter pour mon BTS exigeait une concentration que les allers et venues de demoiselles chez mon beau père ne permettaient pas d'accomplir. J'avais par ailleurs échangé mon repère stratégique au Starbucks Coffee pour un salon de thé, contexte bien plus calme. J'avais commandé un thé blanc, joliment nommé "thé des songes blancs", qui m'avait été présenté comme délicatement parfumé, évoquant la rose, la fleur d'oranger et les fruits rouges. J'étais bien incapable de remarquer tout ça, mais j'appréciais sa saveur et c'était suffisant. Assise en tailleur sur un pouf à une petite table ronde, très basse, je m'étais enfermée dans une musique naturelle, un mélange de sons forestiers et de guitare acoustique. En l'occurrence, j'avais un dossier de presse à faire sur les Color Run, ces événements un peu sportifs et très festifs organisés partout dans le monde. C'était plutôt sympa comme sujet, par rapport aux domaines plus stricts et maussades qu'on abordait parfois. J'étais donc d'une très bonne humeur.

La cloche de la boutique tinta, ce qui me tira de mon attention absolue. C'était assez rare, que quelqu'un entre, surtout quand je m'y trouvais. J'imaginais assez bien qu'on vienne prendre un thé après le repas du midi, mais je venais étudier le matin, et rare sont les passants qui s'arrêtait, dans leur folie quotidienne, pour siffler une infusion. Je m'étonnai donc et levai les yeux vers la porte : Hanton. Bouche bée, je retirai mes écouteurs. Mes joues brûlantes devaient être rouge tomate ; mon coeur accéléra immédiatement ; mes cils papillonnaient. Bref, oui trésor, je me souviens parfaitement de toi.

« Mais bien sûr ! » lui répondis-je, tout sourire. Je me redressai et posai mes pieds à plat sur le sol, les mains sur les cuisses. « Je t'en prie, assieds-toi avec moi ! Comment vas-tu ? » Est-ce que j'aurais dû le rappeler ? Non, il ne m'avait pas donné son numéro. Est-ce que j'en avais eu envie ? Oui, terriblement ! J'étais véritablement aux anges.

Marie & Hanton